KHODRA Link c’est la seule lettre d’information qui fait le lien entre la nutrition santé animale, végétale et humaine. Dans cette veille, on traite un seul sujet décliné selon les 3 univers de Codrah. Parlons du label bas carbone!
Enjeux relatifs au Label bas-carbone
Les gaz à effet de serre (GES) régulent la température terrestre, mais leur excès, principalement dû aux activités humaines, amplifie le réchauffement climatique. En 2022, l’agriculture représentait 13,5 % des émissions mondiales de GES et 18,7 % des émissions nationales, principalement sous forme de N2O et de CH4. Ces émissions aggravent les conditions climatiques et affectent les écosystèmes. (1)
Certaines pratiques agricoles, comme l’alimentation intensive du bétail, causent 80 % de la déforestation au Brésil. L’agriculture est aussi responsable de 385 millions de cas d’empoisonnement par an liés aux pesticides (32). Des initiatives comme le Label Bas Carbone promeuvent des pratiques agricoles durables pour réduire ces émissions.
Dimension du sujet
• Univers Nutrition Santé Humaine
Le Label Bas Carbone vise à réduire les GES, nuisibles pour la santé. L’OMS estime que le changement climatique cause 150 000 décès annuels, un chiffre pouvant doubler d’ici 2030. Il favorise les maladies infectieuses, respiratoires et aggrave l’asthme, surtout chez les cardiaques. Le GIEC prévoit une baisse de l’accès à l’eau et une pénurie alimentaire touchant des millions de personnes en Afrique et en Asie (2). Cela pourrait déplacer 7 000 millions de personnes d’ici 2030 (33).
• Univers Nutrition Santé Végétale
Le CO2 joue un rôle clé dans la photosynthèse, et son augmentation favorise la croissance végétale (34). Cependant, le réchauffement climatique lié au CO2 entraîne des sécheresses, responsables de 34 % des pertes agricoles mondiales. Entre 1983 et 2009, ¾ des terres cultivées ont subi une baisse de rendement due aux sécheresses, avec des pertes estimées à 1 666 milliards de dollars. Le déficit hydrique réduit la photosynthèse et l’absorption des nutriments. La hausse des températures accroît l’évapotranspiration, aggravant le stress des plantes et impactant l’agriculture (33), (3).
• Univers Nutrition Santé Animale
Le changement climatique affecte la physiologie animale, réduisant son adaptation, ses performances, sa reproduction et son bien-être, surtout en bâtiments. Cela augmente les risques sanitaires et la fréquence des épizooties (35). De plus, les conditions climatiques extrêmes réduisent la qualité et la valeur nutritive de l’alimentation animale, tout en impactant le prix des matières premières (4).
III. Présentation du Label Bas Carbone
Créé en novembre 2018 et lancé en avril 2019, le Label Bas Carbone, piloté par le Ministère de la Transition Énergétique, soutient la SNBC en France. Il encourage les projets réduisant volontairement les émissions de GES au-delà des pratiques habituelles. Le label assure un suivi rigoureux et indépendant, garantissant que les réductions sont réelles et mesurables. Ces projets peuvent être financés pour contribuer aux objectifs climatiques nationaux (5).
Description des méthodes associées au Label bas-carbone
• Méthode Carbon’Agri
La méthode Carbon’Agri (2019) vise à réduire les émissions de GES et à augmenter le stockage de carbone dans les sols et la biomasse, pour les exploitations bovines et grandes cultures. Développée par l’Institut de l’élevage, elle est responsable du suivi et de la certification. Les projets doivent être situés en France et inclure un atelier bovin ou de grandes cultures. Les réductions d’émissions sont mesurées via l’Analyse du Cycle de Vie, qui évalue l’impact environnemental des pratiques agricoles (6).
• Méthode Grandes Cultures
La méthode Grandes Cultures, approuvée en juillet 2021, cible les projets de grandes cultures en France pour réduire les émissions de GES et stocker du carbone dans les sols. Développée par un consortium d’associations et d’instituts techniques, elle mesure les réductions en tonnes équivalent CO2 par hectare. Les projets doivent utiliser des outils certifiés pour évaluer ces réductions. Cette méthode est compatible avec Carbon’Agri, mais nécessite des ajustements pour s’aligner avec la méthode SOBAC’ECO TMM (7).
• Méthode Ecométhane
La Méthode Ecométhane, développée par l’Association Bleu-Blanc-Cœur en 2021, vise à réduire les émissions de méthane chez les bovins laitiers en modifiant leur alimentation avec des sources riches en Oméga 3, comme le lin et l’herbe. Elle s’applique aux exploitations bovines laitières en France. Les réductions de méthane sont mesurées en fonction de la production laitière annuelle et de la composition du lait. Les projets doivent éviter la double comptabilisation en ne participant pas au programme Carbon’Agri (8).
• Méthode Sobac’Eco-TMM
La Méthode Sobac’Eco-TMM (2021) cherche à réduire les émissions de GES en diminuant l’utilisation d’intrants de synthèse et organiques achetés, en favorisant des processus naturels pour réguler les agroécosystèmes. Cette méthode, promue par l’entreprise Sobac, s’applique aux exploitations agricoles de tous types et taille en France et dans les territoires d’outre-mer. Les projets doivent viser à réduire les engrais azotés de 30% tout en maintenant les rendements, et les réductions d’émissions sont quantifiées en comparant les périodes de référence et de projet. (9)
• Méthode Haies
La méthode Haies (2021) cible l’utilisation des haies bocagères sur les exploitations agricoles afin de valoriser la séquestration de carbone dans le sol. Elle comprend ainsi la plantation et la gestion durables des haies. Cette méthode, développée par la chambre d’agriculture du Pays de la Loire s’applique aux exploitations agricoles (ou autres structures comme les collectivités) qui possèdent déjà des haies ou bien souhaitent en planter. Celle-ci évalue donc le stockage carbone dans le sol, la biomasse aérienne et racinaire mais également la valorisation du carbone par les alternatives aux énergies fossiles. (26)
• Méthode Plantation de vergers
La méthode plantation de verger (2020) s’applique aux projets de plantation de vergers sur des terres françaises actuellement non cultivées. Cette méthode promue par la Compagnie des amandes et Agrosolution s’applique à toute exploitation agricole souhaitant planter une culture fruitière pérenne. Celle-ci vise à réduire la séquestration de carbone dans le sol et la biomasse des arbres, réduire les GES associés aux achats d’intrants et si possible la réduire l’utilisation de l’énergie fossile par substitution énergétique. (27)
• Co-bénéfices associés aux méthodes
Les projets labellisés bas-carbone offrent des co-bénéfices comme l’impact socio-économique (création d’emplois, valorisation locale), la sauvegarde de la biodiversité (protection des écosystèmes), la protection des sols (préservation de leur qualité) et la préservation de l’eau (amélioration de la qualité et gestion de l’irrigation). Chaque co-bénéfice reçoit un score de 1 à 5 points selon son importance, exprimé en pourcentage pour refléter la proportion des points obtenus par rapport au maximum, sans toujours préciser l’impact réel (6), (7), (8), (9).
Mise en place et suivi de projet
Suivi de Projet
Le suivi de projet est essentiel pour garantir conformité et efficacité. Il commence par une notification à l’autorité pour débuter les activités et comptabiliser les réductions d’émissions. Un Document Descriptif de Projet (DDP) est ensuite soumis pour détailler le respect de la méthode choisie. Après examen, le Label bas-carbone est attribué si les critères sont remplis. Le suivi inclut des vérifications régulières par des auditeurs indépendants et des contrôles aléatoires pour assurer le respect des engagements et des objectifs (10).
• Outils de Suivi
Pour assurer un suivi précis des projets bas-carbone, l’outil CAP’2ER® est utilisé. Développé par l’Idèle, cet outil mesure et gère les émissions de GES et le stockage de carbone. Il collecte, analyse et visualise les données relatives aux pratiques agricoles, en particulier pour les ruminants. CAP’2ER® aide à suivre les progrès, identifier les écarts par rapport aux objectifs et ajuster les stratégies. Son utilisation est essentielle pour valider les réductions d’émissions, garantissant transparence et précision dans le processus de labellisation (11).
Axes de développement du Label bas-carbone
• Développement de méthodes
Plusieurs méthodes sont en cours de développement. La méthode viticulture, créée en 2022, utilise l’outil GES&VIT par l’Institut Français de la Vigne et du Vin. Carbon Agri version 2, développée avec CAP’2ER par l’Idèle, inclut les ovins et caprins. D’autres initiatives couvrent l’agroforesterie, les plantes à parfum, la plantation de bambous et la production d’algues pour remplacer les engrais ammonitrés. La méthode Porc, développée par l’IFIP avec l’outil GEEP, est en cours de finalisation et aborde des aspects comme l’alimentation, la gestion des effluents, et la consommation d’énergie, mais rencontre des difficultés liées aux discussions avec le ministère sur les émissions d’ammoniac (16).
• CAP’2ER Volaille
L’aviculture en France représente 0,06 % des émissions de GES nationales, tandis que l’élevage total contribue à 10,1 % (CITEPA 2021). Pour améliorer la durabilité, l’ITAVI adapte CAP’2ER pour évaluer les exploitations avicoles, avec un outil prévu pour 2024. Cet outil propose deux niveaux d’évaluation et analyse les émissions de GES, la consommation d’énergie fossile, l’acidification de l’air, et la biodiversité. Il se concentre sur les poulets de chair, dindes et canards, permettant aux éleveurs de réduire leur impact environnemental tout en maintenant des performances économiques et sociales optimales (12).
Bénéfices bas-carbone et durables sur les trois univers étudiés
• Nutrition Santé Animale
Les pratiques bas-carbone, comme l’optimisation de l’alimentation et la gestion des pâturages, améliorent la santé animale tout en réduisant les émissions de GES (14). Par exemple, ajouter 5 kg de colza par vache/jour augmente la production laitière de 1,5 kg (+4,3 %) et réduit les émissions de méthane par kg de lait de 7,1 % (17). L’ajout de levure sèche active dans le régime bovin diminue les émissions de méthane de 6 % (22). Une étude sur 240 porcs a montré une réduction de GES de 24 % avec ajout du tourteau de lin et de 15 % avec ajout du tourteau de féverole dans la ration, sans affecter la croissance ni la consistance des fèces (31).
Certains agriculteurs adoptent des solutions alternatives comme la litière de sciure bio-maîtrisée pour exporter une partie du fumier (19). En Bretagne, près de 170 projets de méthanisation par injection, dont 90 % sont agricoles, permettent une économie circulaire, évitant l’émission de 1 400 t de CO2 en 5 ans (en 1 an, cela correspond à l’empreinte carbone de 110 A-R en avion Paris Sao Paulo) (21). L’installation d’une chaudière biomasse de 200 kW dans un poulailler réduit le CO2 de 3 000-4 000 ppm à 2 000 ppm en utilisant du bois à faible humidité (24).
• Nutrition Santé Végétale
Le Label bas-carbone encourage des méthodes de culture durables, telles que l’utilisation de plantes fixatrices de carbone dans la rhizosphère, qui collaborent avec les bactéries PGPR pour améliorer la santé des plantes et leur résistance au stress. L’usage d’engrais organiques avec PGPT et de fongicides naturels, couplé à des rotations de cultures, améliore la qualité des sols et la robustesse des plantes (23).
L’utilisation d’effluents d’élevage, comme dans le cas du colza, favorise un meilleur enracinement grâce au phosphore et augmente la résistance aux insectes tout en apportant du soufre et du magnésium (25).
L’agriculture régénérative vise à revitaliser les territoires ruraux en restaurer le carbone dans le sol et en optimisant les flux au sein des ateliers. Cependant, elle manque encore d’une définition précise et son impact sur les terres et le climat est peu évalué (28).
• Nutrition Santé Humaine
L’action climatique améliore la santé publique en réduisant la pollution de l’air et les émissions de GES, ce qui pourrait sauver environ un million de vies par an d’ici 2050. La réduction des GES diminue l’exposition aux substances nocives, améliore les écosystèmes, régule les maladies infectieuses et enrichit la qualité nutritionnelle des produits agricoles, comme l’augmentation des Oméga 3 dans les produits laitiers et carnés grâce à l’alimentation animale au lin (13).
La production alimentaire représente 85 % de l’impact environnemental de l’alimentation humaine. Des étiquettes comme le Planet Score, présentes sur environ 100 millions d’emballages, informent les consommateurs sur l’indice environnemental des aliments à partir de 25 indicateurs, incluant l’ACV, les pesticides, la biodiversité, le climat, ainsi que la rémunération, le mode d’élevage et l’ultra-transformation des produits (18). L’Eco Score, basé sur l’ACV, évalue également l’impact environnemental des aliments (18).
Bilan : Avantages/Inconvénients du LBC
Avantages
• Reconnaissance officielle de réduction d’émission
• Valorisation économique
• Concerne tous les secteurs
• Proposition de nouvelles méthodes ouvertes à tous, validation par la DGEC
• Peut s’appliquer à des projets de compensation obligatoire ou volontaire
• Outils spécifiques et adaptés aux calculs
• Référentiel additionnel à la réglementation
• Impacts positives sur la NSH, NSV, NSA
Inconvénients
• L’essentiel des pratiques de préservation de la biodiversité ne sont que facultative
• Concurrence des prix / manque de financeurs
• Permis de polluer (entreprises se revendique neutre en Carbone grâce au financement de projet)
• Projets coûteux entraînant des commissions de la part des acteurs intermédiaires (jusqu’à 40% du crédit carbone)
• Pas d’encadrement des termes de contrat en cas d’événements indépendant (été 2022 : incendies)
• Manque de rigueur dans la sélection des projets (absence de réponse, après 2 mois, vaut acceptation demande labellisation)
• La séquestration de carbone peut masquer une augmentation des émissions de GES
Bibliographie
(1). INRA, 2013, Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
(2). Kasotia, Chronique ONU, Les effets du réchauffement climatique sur la santé : Les pays en développement sont les plus vulnérables
(3). Muller, 2022, Planet Vie, Les effets du changement climatique sur la croissance des plantes
(4). Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2023 , La lutte contre les maladies animales dans le contexte du changement climatique – Analyse n° 184
(5). Réseau action climat France, 2023, positionnement du Label Bas Carbone et des méthodes dans les secteurs associés
(6). Idele, Cniel, Interbev, CNE, I4CE, 2019, Méthode de suivi des réductions d’émissions en élevage bovins et grandes cultures conforme au Label Bas Carbone
(7).Arvalis, Terres Inovia, ITB, ARTB, Agrosolution, 2021, Label Bas Carbone méthode Grandes Cultures
(8). Bleu Blanc Cœur, 2021, Label Bas Carbone méthode spécifique aux projets de réduction des émissions de méthane d’origine digestive par l’alimentation des bovins laitiers
(9). Sobac, 2021, Méthode SOBAC’ECO-TMM
(10). I4CE, 2020, Label Bac Carbone guide pédagogique
(11). Arvalis, Idele, Ifv, Itavi, Terres Inovia, 2020, Guide Ges’tim
(12). Caron,2023,CAP’2ER, le module Volaille pour toutes les filières
(13). INRAE, 2019, La santé, moteur des transitions agricole, alimentaire et environnementale
(14). SAI, Réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’élevage du bétail : Meilleures pratiques et options émergentes
(15). INRA, 2015, L’adaptation au changement climatique
(16). IFIP, 2022, Politique nationale bas carbone, Focus sur la construction de la méthode LABEL BAS CARBONE porc + données internes
(17). Lessire, Choquet, Dufrasne, Stratégie alimentaire pour diminuer les émissions de méthane et l’empreinte carbone des vaches laitières
(18). Planet Score, 2023, Planet score intégral, Apporter de la transparence au secteur agroalimentaire […] pour relever ensemble les défis pour une production et une consommation soutenable
(19). Rousset, Dennery, Dezat, Aviculture : recueil de témoignages sur l’utilisation de litières alternative
(20). Goualan, Paysan Breton n°3475, 2022, Le digesteur chauffé en partie par les matelas de litières
(21). Juan, PLM au cœur des élevages laitiers HS, 2023, Grand reportage, Gaec du Lagot, diversifier sans sacrifier l’efficacité du troupeau, 12 heures d’accès à l’auge même au pâturage.
(22). Article issu du site officiel du Gouvernement du Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), 2019, Réduire les émissions de méthane produites par le bétail.
(23). Bresson, 2014, Interaction plante-microorganismes : Implication de la rhizobactérie Phyllobacterium brassicacearum dans les réponses d’Arabidopsis thaliana au stress hydrique
(24). Paranthoen, Paysan Breton, 2022, n°3475, Produire soi-même la clé pour des économies d’énergies
(25). Lefort, Doraven, Paysan Breton, 2024, n°3566, Optimiser la culture de colza, les avantages des fertilisants organiques
(26). Chambre de l’agriculture Pays de la Loire, Bretagne, Carbocage, 2021, Méthode Haies
(27). Compagnie des amandes, Agrosolution, 2020, Label bas-carbone, plantation de vergers.
(28). Duru, Sarthou, Therond, 2022, L’agriculture régénératrice : summum de l’agroécologie ou greenwashing ?
(29). Marfaing, Lerat, CEVA, Les algues ont-elles une place en nutrition ?
(31). Marivain, la revue de l’alimentation animale n°772, le rassemblement des scientifiques pour les productions animales.
(32). Guisset, impact des informations liées aux actions environnementales et sociales des entreprises sur l’emballage des produits. Focus sur le Planet-score
(33). Lezaack, Effets de la sècheresse sur le ratio entre la surface racinaire et la surface foliaire du mais (Zea mays) et du tournesol (Helianthus annuus), en conditions contrôlées.
(34). Duhaubois, 2020 Conception et évaluation d’idéotypes de froment d’hiver (Triticum Aestivum L.) adaptés au changement climatique en Hesbaye : approche par modélisation
(35). Jouven, Stark, Moulin, 2022, Agroécologie, élevage et changement climatique