Veille en nutrition santé animale, végétale et humaine

25/09/2023 | Actualités

KHODRA Link c’est la seule lettre d’information qui fait le lien entre la nutrition santé animale, végétale et humaine. Dans cette veille, on traite un seul sujet décliné selon les 3 univers de Codrah. Dans ce premier Khodra Link, parlons micro-organismes!

NUTRITION SANTE ANIMALE
Le microbiote intestinal est considéré comme un organe à part entière avec des fonctions qui lui sont propres et des interactions avec le reste de l’organisme. A leur naissance ou à l’éclosion, le tube digestif des animaux est stérile, puis rapidement colonisé par les microorganismes transmis par la mère à la naissance ou provenant de l’environnement.

Fonction digestive
L’étude des animaux axéniques a pu mettre en évidence l’intervention d’une flore bénéfique sur le développement de l’intestin, dès les premiers stades de vie des animaux : villosités plus hautes et plus larges avec une meilleure survie.
Le développement optimal du tube digestif est essentiel aux performances futures des animaux : amélioration de la surface d’absorption, fourniture de nutriments à l’hôte.

Fonction immunitaire
Au-delà de sa fonction digestive, l’intestin est également un organe clé du système immunitaire. La flore présente permet la maturation et la modulation du système immunitaire des animaux. Elle permet une tolérance immunitaire face aux antigènes alimentaires ou bactériens et limite des réactions inflammatoires délétères. Cette flore bénéfique assure elle-même une défense face aux organismes pathogènes : phénomènes de compétition, production de bactériocines, quorum sensing.
La flore intestinale défend son territoire comme elle défend son hôte.

Fonction cerveau intestin
L’intestin est aujourd’hui considéré comme le deuxième cerveau. Des études mettent en évidence le rôle de la flore dans des pathologies psychiatriques ou désordres psychologiques. A cette époque où le bien-être animal est au cœur des préoccupations des éleveurs, l’étude de la flore des animaux devient un sujet d’autant plus important.
Cet axe de développement est complémentaire des deux actions digestive et immunitaire largement démontrées et est à considérer dans les problématiques actuelles des élevages.

Microbiote intestinal : tout n’est pas joué d’avance
Il est possible d’orienter de façon positive la flore des animaux. De nombreux produits sont développés, parmi les grandes familles :
• Les probiotiques : levures et bactéries enregistrées comme additifs stabilisateurs de flore
• Les prébiotiques : fermentés par la flore, principalement des oligosaccharides dont les effets dépendent de leur nature chimique et de leur poids moléculaire
• Les acides organiques : qui créent un environnement favorable à l’installation d’une flore bénéfique à l’animal
• Les « fixateurs » de bactéries comme les parois de levures qui en se fixant aux membranes bactériennes limitent leur fixation à l’épithélium intestinal et favorisent leur excrétion.

S’intéresser à la flore intestinale est particulièrement important à certaines phases critiques d’élevage. Pour le porcelet, le moment du sevrage est une période particulièrement complexe. En volaille, le démarrage est essentiel, il faut « occuper » l’espace dès le démarrage. Chez les jeunes ruminants, la période avant le sevrage où l’intestin occupe une place essentielle avant que l’animal devienne un vrai ruminant. Chez des Ruminants adultes, la flore intestinale a une moindre importance et c’est davantage à celle du rumen qu’il faudra s’intéresser.

NUTRITION SANTE VEGETALE
« Il y a plus de microbes dans une cuillère à café de sol que d’habitants sur la planète » James J. Hoorman (Ohio State University). Le sol, réservoir de microorganismes utiles dans la nutrition des plantes, trop longtemps négligé dans le cadre d’une agriculture dépendante des produits chimiques. En bon état, un sol contient jusqu’à 1 milliard de micro-organismes par g.

Les amibes sont les animaux microscopiques les plus importants du sol avec 100 à 300kg/ha. Certaines espèces mangent la matière organique, d’autres les bactéries. Cela permet d’éliminer les corps microbiens en excès et surtout de libérer des niches écologiques pour d’autres espèces microbiennes. Les amibes sont les régulatrices du monde microbien.

La microflore du sol est composée :
– d’Algues : présentes en surface du sol. Malgré leur faible nombre (100 000 par g de sol), elles ont un rôle important comme source de MO et comme fixatrices d’N en symbiose avec des algues bleues.
– de Champignons : ils ne sont pas les plus nombreux des micro-organismes du sol, mais leur poids est très important, du fait de leur grande taille, comparativement aux bactéries. On peut avoir d’1 à 2 T de champignons / ha de sol agricole. Ils représentent les 2/3 de la biomasse microbienne du sol.
– d’Actinomycètes : ils ont un aspect filamentaux. Leur nombre dans le sol est élevé : d’1 à 100 Millions / g de sol, et leur poids total est d’environ 1 T / ha.
– de Bactéries : c’est le groupe le plus varié et le plus nombreux, leur densité peut s’élever de 10 Millions à 1 Milliard / g de sol. Du fait de leur très petite taille, leur poids reste inférieur à 1 T / ha de sol.

Rôle des micro-organismes au sein du biotope sol
Les champignons ont un rôle primordial dans la fertilité du sol de par :
• leur action mécanique sur la structure du sol grâce à leur mycélium, ils assurent la stabilité structurale du sol
• leur capacité à décomposer la lignine des plantes, qui est la principale source d’humus dans le sol, par l’action des enzymes qu’ils sécrètent par leur mycélium. Sans les champignons, le cycle de l’humus ne peut se mettre en place. Les champignons sont la voie d’entrée du C dans le sol, puis de son aggradation en humus qui fixera les argiles.
• leur rôle prépondérant dans le cycle du P, ils attaquent les roches et libèrent le P sous forme ion phosphate PO43- , le rendant ainsi absorbable par les racines des plantes. Ils sont également capables de minéraliser l’humus en PO43-. Enfin des champignons symbiotiques, les mycorhizes, permettent aux plantes de récupérer les PO43- fixés sur le complexe argilo-humique.

Interface entre le monde minéral et le monde vivant et rôle dans les cycles biogéochimiques
Les actinomycètes et les bactéries ont la capacité à effectuer de nombreuses réactions biochimiques. De par leur extraordinaire variabilité biochimique, les bactéries peuvent transformer toutes les substances du sol et les faire entrer dans le monde du vivant. Dans le cycle du C, les bactéries photosynthétiques et chimiolitotrophes réalisent des réactions aboutissant à l’entrée du C atmosphérique dans le monde vivant. Ces réactions aboutissent à la transformation du CO2 en sucres qui seront consommés par tous les organismes. Dans le cycle de l’N, les bactéries Nitrosomonas assurent la transformation du NH4+ en NO2- et les bactéries Nitrobacter la transformation du NO2- en NO3-. Elles participent ainsi à la minéralisation de l’humus. De manière générale, les micro-organismes utilisent deux types de réactions pour rendre les éléments solubles dans l’eau du sol donc assimilables par les plantes :
– l’oxydation : cela concerne l’N oxydé en NO3- et le S oxydé en sulfate SO42-
– la chélation : qui rend les oligo-éléments assimilables. Les micro-organismes synthétisent un acide organique qui se lie avec l’oligo-élément et le rend soluble.

Les produits qui stimulent l’activité biologique du sol
De nombreux produits, présents sur le marché sous le statut d’engrais ou d’amendements minéraux basiques ou organiques, revendiquent une stimulation de l’activité biologique. Arvalis et ses partenaires ont mené des expérimentations pour évaluer l’effet de ces produits sur la production selon différents niveaux de fourniture en nutriments. Ces produits sont de composition variable et revendiquent différents effets, dont une amélioration de l’absorption des nutriments par les cultures et/ou une tolérance accrue aux stress climatiques via la stimulation de la vie biologique du sol, permettant des rendements moins variables voire plus élevés pour certains produits. Pour la plupart d’entre eux, les préconisations d’emploi s’accompagnent d’une réduction d’apport des engrais minéraux, notamment en N, en P ou en K.

NUTRITION SANTE HUMAINE
L’Homme est constitué de 10 000 Milliards de cellules, pendant longtemps on a pu lire dans les publications que le corps était peuplé de 10 fois plus de bactéries soit 100 000 Milliards, récemment des chercheurs ont ramené ce nombre à un ratio bactéries/cellules plus proche de 1,3/1. En d’autres termes, il y aurait sensiblement le même nombre de bactéries que de cellules humaines. Les chercheurs de l’INSERM indiquent que notre tube digestif abrite pas moins de 1012 à 1014 micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps. Cet ensemble de bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes constitue notre microbiote intestinal (ou flore intestinale). Principalement retrouvées dans le tube digestif (bouche, œsophage, estomac, colon) on dénombre pas moins de 500 espèces de bactéries.
Le rôle de la flore intestinale sur l’immunité, la digestion et le cerveau fait encore à ce jour l’objet de nombreuses études. En 2019 par exemple, il y a eu à date 1636 publications sur le sujet Microbiote et Immunité et 487 publications sur Microbiote et Cerveau !
Les chercheurs s’accordent à dire qu’il y a un lien fort entre l’appauvrissement de la flore commensale et la prévalence de certaines maladies chez l’Homme : dépression, anxiété, hypertension…et tentent de comprendre les liens entre les déséquilibres du microbiote et certaines pathologies, en particulier les maladies auto-immunes et inflammatoires.
Une étude très prometteuse (1) vient de démontrer le microbiome et ses produits métaboliques favorisent la protection des cellules immunitaires tueuses spécialisées (cellules T CD8 +) contre les infections. Cette découverte australienne pourrait potentiellement améliorer l’immunothérapie et les immunisations anticancéreuses, ces traitements s’appuyant fortement sur les lymphocytes T tueurs.
Le microbiome correspond à l’ensemble des gènes des micro-organismes du microbiote. Le séquençage des gènes bactériens génère beaucoup de données à travers des projets comme Earth Microbiome Project (EMP) et le Human Microbiome Project (HMP), une équipe de chercheurs chinois (2) a récemment publié sur le « Google des Intestins » afin de traiter et d’intégrer toutes ces données scientifiques à travers le monde. Ils ont créé plusieurs indices comme le score de nouveauté du microbiome (MNS), le score d’attention au microbiome (MAS), et Le Microbiome Focus Index (MFI).
Le nombre de projets de microbiome liés à la santé ne cesse d’augmenter, selon la Commission européenne, 73 projets de santé sur le microbiome ont reçu 167,2 millions d’euros de subventions européennes entre 2014 et 2017, contre 153,4 millions d’euros octroyés à 40 projets entre 2007 et 2013. Parmi ces projets, qu’il est intéressant de suivre si on s’intéresse au microbiome et la santé :
– BabyVir, un projet néerlandais concernant le rôle du virome dans la formation de l’écosystème de l’intestin au cours de la première année de vie.
– METAMAPPER, un projet basé en Belgique, sur le rôle de l’intestin dans l’étiologie de l’obésité, des maladies cardiovasculaires, de l’inflammation et dans les troubles neurologiques
S’intéresser aux bactéries qui peuplent notre corps c’est mieux comprendre aussi le lien entre nutrition et santé, certains ingrédients participent à cet équilibre microbiotique quand celui-ci est mis à rude épreuve : stress, fatigue, déséquilibre alimentaire, antibiothérapie- parmi eux : probiotiques vivants, probiotiques tyndallisés, fibre prébiotique, symbiotique, qui participent au renforcement de la flore intestinale.
1. A Bachem, et al. Microbiota-derived short-chain fatty acids promote the memory potential of antigen-activated CD8+ T cells- Immunity, 2019
2. X Su, et al. Identifying and Predicting Novelty in Microbiome Studies, Am Soc Microbiol, 2018